Comprendre la biophobie : de quels animaux avons-nous le plus peur ?

Panthera onca © MNHN - F.-G. Grandin

Comprendre la biophobie : de quels animaux avons-nous le plus peur ?

Néphile femelle à Grande Comore © MNHN - A. Iatzoura

La peur des animaux, également appelée biophobie, est une expérience humaine universelle. Néanmoins, s’il est logique sur le plan évolutif de craindre les prédateurs et les espèces venimeuses, certaines espèces engendrent des réactions de crainte alors qu’elles ne présentent aucun risque pour un être humain. Ce type de peur a pour conséquence d’affecter la santé mentale individuelle des plus phobiques sans apporter de bénéfices. En outre, elle s’accompagne d’autres effets néfastes, non plus sur le seul plan individuel mais d’un point de vue écologique, tel que l’affaiblissement des efforts de conservation pour les espèces concernées. Afin de définir quelles sont les espèces les plus redoutées et d’identifier d’éventuelles influences socioculturelles, Karl Zeller du laboratoire Éco-Anthropologie (CNRS/MNHN/UPC) et une équipe de scientifiques ont mené une étude en ligne sur un échantillon de plus de 17 000 personnes.

En 1872, Darwin a dépeint la peur comme un puissant stimulant pour échapper à des menaces majeures, telles que peuvent l’être les prédateurs et les animaux venimeux. Mais quels sont vraiment les animaux que nous craignons le plus, et pourquoi ? Dans cette étude, il a été demandé à 17 353 personnes, issues des différents continents, de répondre à un questionnaire en ligne composé de duels de photos d’animaux, en choisissant pour chaque duel l’animal le plus effrayant. L’analyse statistique des choix et des temps de décision ont permis de classer 184 animaux selon le niveau de crainte qu’ils inspirent. Les animaux, composant un panel varié d’espèces plus ou moins familières, issues de faunes diverses, comprenaient des mammifères, des reptiles, des oiseaux, des arthropodes et des amphibiens. Le large éventail d’espèces et la diversité des participants impliqués ont ainsi permis d’intégrer la relation complexe entre danger écologique et influences socioculturelles dans la biophobie.

Crocodile du nil © MNHN - J. Munier

Les résultats de l’étude ont mis en évidence le fait que les animaux dangereux (c’est-à-dire pouvant causer des blessures graves voire mortelles pour l’humain) suscitent des réactions de peur fréquentes et rapides. C’est le cas des prédateurs et particulièrement des crocodiliens. Cependant, le danger seul ne suffit pas à expliquer la peur, car des espèces inoffensives telles que les araignées et les serpents non venimeux, ou encore les chauves-souris, atteignent des scores de peur élevés. La crainte provoquée par ces animaux peut également s’accompagner d’un sentiment de dégoût, contrairement au crocodile marin par exemple, qui est pourtant l’animal estimé le plus effrayant. Il est à noter que les réactions de peur varient selon l’âge des participants et leur région géographique de résidence. Ces résultats soulignent l’importance de tenir compte de l’interaction potentielle entre le contexte écologique et culturel afin de mieux comprendre les perceptions des animaux sauvages chez l’humain.

Ainsi, à mesure que les humains deviennent de plus en plus déconnectés de l’environnement naturel, les réponses de peur adaptées au danger écologique se transforment progressivement en peurs exacerbées voire irrationnelles et in fine inadaptées. En ce sens, la diminution des contacts et des expériences avec la faune est directement liée à la biophobie. Cette dernière est en effet l’une des phobies les plus courantes, avec une augmentation significative en prévalence et en intensité, notamment dans les populations urbaines. Il est également supposé que le sensationnalisme médiatique et les représentations irréalistes dans les films exacerbent ces peurs, en particulier chez les enfants. En admettant que l’écart entre les niveaux réels de danger et les peurs déclarées chez l’humain puisse être dû à la transmission sociale et à la déconnexion croissante avec les environnements naturels, ce constat offre des perspectives pour comprendre et réguler la biophobie. Ainsi, renforcer le lien entre l’humain et la nature par le biais d’expériences avec la faune, telles que de simples activités d’observation, pourrait favoriser une relation plus saine avec la nature. Ce qui profiterait, de ce fait, autant au bien-être humain qu’aux initiatives de conservation des animaux.

Panthera onca © MNHN - F.-G. Grandin

Référence : Karl Zeller a, Nicolas Mouquet b,c, Cécile Garcia a, Guillaume Dezecache d,e, Audrey Maille a,f, Julie Duboscqa, Luca Morino g, Xavier Bonnet Danger versus fear: a key to understanding biophobia, People and Nature (2025)

Pour ma part, je n’aime pas les araignées, encore moins les punaises (les deux aiment bien mon balcon et la profusion de plantes qui y règne pendant la belle saison)… Et vous ?

Alain Delavie

Agronome de formation et jardinier passionné depuis sa plus tendre enfance, collectionneur de plantes, Alain Delavie a exercé différents métiers toujours en étroite relation avec le monde végétal et le jardin, en commençant par celui de pépiniériste collectionneur avant de devenir journaliste et auteur spécialisé dans le jardinage. Il est aujourd'hui directeur des rédactions de Rustica (hebdomadaire Rustica, trimestriels Rustica Pratique et Rustica Les Essentiels).

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